LOST COUNTRY

Après Les Feuilles mortes et la Finlande d'Aki Kaurismäki, direction la Serbie pour le film du mois d'octobre 2023. Son réalisateur, Vladimir Perišić, n'est pas tout à fait un débutant puisqu'il s'agit de son second long métrage après Ordinary people il y a... 14 ans ! Une longue période d'inactivité que le cinéaste définit joliment non comme une traversée du désert mais comme « une naissance dans le désert ». Co-scénarisé, comme le premier, avec Alice Winocour, la cinéaste de Proxima et Revoir Paris, Lost country est une remarquable réussite présentée avec succès à La Semaine de la critique du dernier festival de Cannes.

Nous sommes à Belgrade en 1996. Alors que la guerre génocidaire menée par les serbes contre la Bosnie vient à peine de se terminer, une part importante de la population, dont de nombreux jeunes, se soulève contre le régime de Slobodan Milosevic, suite au trucage présumé des élections. Parmi les manifestants, Stefan, 15 ans, en porte-à-faux entre son envie d'engagement politique, amical, amoureux ; et son attachement à sa mère, Maklena (baptisée ainsi en hommage à Marx et Lénine), porte parole du parti au pouvoir et avec laquelle il vit seul...

Palpitant, romanesque et fébrile, le film mêle brillamment politique et complexité des rapports filiaux. Tout autant universel qu'intime, chacun peut se retrouver dans les questionnements et contradictions des personnages.

Tourné en 16 mm, apportant ainsi véracité à l'image, le film est porté par le nouveau venu Jovan Ginic (qui a reçu le prix fondation Roederer de la révélation à La Semaine de la critique) et la grande Jasna Djuricic qui était déjà exceptionnelle dans La Voix d'Aïda de Jasmila Zbanic. « J'ai voulu explorer un conflit de double loyauté entre celle qu'on a envers sa mère, et celle qu'on a envers un impératif éthique » dit le réalisateur. Situant son héros à l'âge des transformations, qui est aussi celui de la naissance du sentiment politique, il fait de Stefan une figure impressionnante et nous entraîne avec brio, sans jamais nous lâcher, vers une fin tout aussi inoubliable que marquante.